Ultra-marathon et cancer du côlon : que montre vraiment l’étude présentée à l’ASCO ?

Une étude présentée lors du congrès de l’ASCO 2025 (Inova Schar Cancer Institute, Virginie) a fait beaucoup réagir dans le monde du sport et de la médecine.

Son objectif : évaluer la fréquence des lésions précancéreuses du côlon chez des athlètes d’endurance.

🔬Méthodologie

Les chercheurs ont inclus 100 coureurs âgés de 35 à 50 ans, ayant participé à au moins deux ultramarathons (≥ 50 km) ou cinq marathons enregistrés (42,2 km).

⚠️ Tous ont bénéficié d’une coloscopie de dépistage.

Les participants présentant des antécédents familiaux de cancer colorectal, une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, un syndrome génétique de prédisposition (Lynch, polypose) ou des symptômes digestifs avant inclusion ont été exclus.

📊 Résultats

  • 41 % des coureurs présentaient au moins un adénome.

  • 15 % avaient un adénome avancé, c’est-à-dire une lésion précancéreuse du côlon (taille ≥ 10 mm, architecture villeuse ou dysplasie de haut grade).

    💡 Adénome = polype bénin pouvant évoluer vers un cancer du côlon s’il n’est pas retiré.

Pour comparaison, la prévalence attendue d’adénomes avancés dans la population générale du même âge (35–50 ans) est d’environ 1,2 %.

➡️ Soit un taux près de dix fois supérieur à celui observé dans le dépistage de routine.

⚠️ Limites méthodologiques

Cette étude doit être interprétée avec prudence :

  • Résumé de congrès (abstract ASCO), non encore publié ni évalué par les pairs ; attendons la publication pour plus de données

  • Aucun groupe témoin non-coureur → impossible de comparer directement ;

  • 100 % des participants coloscopiés, ce qui expose à un biais de détection ;

  • Taille d’échantillon réduite (n = 100).

🧩 Facteurs non mesurés

Aucun renseignement n’a été recueilli sur plusieurs déterminants connus du risque de cancer du côlon :

  • le mode de vie (alimentation, tabac, alcool) ;

  • la composition corporelle (poids, masse grasse, distribution viscérale) ;

  • le microbiote intestinal et ses adaptations à l’effort répété ;

  • le sommeil et les rythmes de vie (travail posté, récupération) ;

  • ou encore la prise de médicaments, notamment les anti-inflammatoires, dont l’usage fréquent chez les coureurs pourrait influencer la formation ou la détection des polypes.

➡️ Ces éléments non mesurés constituent autant de facteurs confondants potentiels, rendant impossible toute conclusion causale entre la pratique de l’ultra-endurance et la survenue d’adénomes.

🧠 Ce que dit la littérature

Les grandes revues systématiques (WCRF, NCI, PAGAC) montrent au contraire que l’activité physique régulière réduit d’environ 20 % le risque de cancer du côlon, selon une relation dose–réponse bien établie.

Cet effet protecteur est clair pour le côlon, moins constant pour le rectum.

À ce jour, aucune preuve solide ne suggère qu’un volume d’activité très élevé augmente le risque de cancer colorectal.

💬 En pratique

Cette étude ne remet pas en cause les bienfaits du sport.

Elle souligne surtout que l’ultra-endurance est un stress extrême qui mérite d’être mieux compris sur le plan digestif et métabolique.

Et surtout, qu’un saignement digestif après une course longue ne doit jamais être banalisé.

Le dépistage du cancer du côlon sauve des vies, il prévient les formes avancées en détectant et retirant les polypes précancéreux à temps.

📚 Références :

ASCO 2025 – Abstract #3619

Inova Schar Cancer Institute (2025)

World Cancer Research Fund/AICR, 2018

National Cancer Institute, 2020

Physical Activity Guidelines Advisory Committee Report, 2018

Wolin et al., Br J Cancer, 2011

Moore et al., JAMA Intern Med, 2016

Regula et al., N Engl J Med, 2014

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