Tendinopathie d’Achille : ce que la science valide enfin sur les paramètres d’exercice
La rééducation du tendon d’Achille reste l’un des sujets les plus discutés en médecine du sport.
Entre les partisans de l’excentrique, du lourd-lent, du contrôle de la douleur ou du retour fonctionnel rapide, les protocoles varient… énormément.
Pour la première fois, une étude internationale publiée dans le British Journal of Sports Medicine (Demangeot et al., 2025) a cherché à mettre de l’ordre dans tout cela.
Son objectif : déterminer quels paramètres d’exercice sont jugés les plus influents pour la rééducation de la tendinopathie d’Achille, selon un panel d’experts internationaux.
🧭 Une étude de consensus internationale
L’équipe de Yoann Demangeot (France) a conduit une étude Delphi modifiée, un processus de consensus structuré en trois tours successifs.
Dix-sept experts internationaux – cliniciens et chercheurs spécialisés dans la prise en charge des tendinopathies – ont évalué 16 paramètres d’exercice susceptibles d’influencer les résultats de la rééducation.
Un consensus d’“influence majeure” était atteint lorsqu’au moins 75 % des experts donnaient une note ≥ 4 sur 5, avec une médiane ≥ 4.
L’analyse a été réalisée séparément pour les deux formes de tendinopathie d’Achille :
la midportion (corporelle),
et l’insertionnelle (au contact du calcanéum).
⚙️ Les paramètres ayant obtenu consensus
Sur les 16 paramètres évalués, cinq ont atteint ou approché le seuil de consensus d’influence majeure :
Intensité de contraction,
Temps sous tension,
Nombre de séries et répétitions,
Type de contraction,
Amplitude de dorsiflexion.
Ces éléments constituent aujourd’hui les variables d’exercice les plus solidement validées pour guider la rééducation du tendon d’Achille.
💪 L’intensité : le paramètre clé
L’intensité de contraction est ressortie comme le facteur le plus influent pour la tendinopathie midportion.
Les experts la définissent comme le degré de charge appliquée pendant l’exercice, relatif à la capacité du patient.
Autrement dit, l’intensité ne correspond pas à un poids absolu, mais à une charge adaptée à la force maximale individuelle.
Pourquoi ce paramètre est-il central ?
Parce que la contrainte mécanique appliquée au tendon provoque une déformation (strain), qui déclenche un cycle déformation → adaptation du tissu.
Ce processus modifie la rigidité, les propriétés mécaniques et la morphologie du tendon.
Les données expérimentales indiquent qu’une déformation optimale du tendon se situe autour de 4,5 à 6,5 %.
Ce niveau de contrainte est généralement atteint lors d’exercices réalisés à haute intensité (environ 70 à 90 % de la contraction volontaire maximale).
Les charges lourdes induisent donc plus d’adaptation que le simple travail au poids du corps.
Mais la variabilité interindividuelle reste importante : certaines personnes atteignent le même niveau de tension avec des charges plus faibles.
La clé est donc de charger suffisamment sans surcharger.
⏱ Temps sous tension et volume de charge
Le temps sous tension (durée pendant laquelle le tendon est chargé) et le nombre de séries/répétitions ont également atteint le consensus,
avec un effet particulièrement marqué pour la tendinopathie midportion.
L’idée est simple : un temps de charge suffisant est nécessaire pour déclencher les adaptations physiologiques du tendon.
Une stimulation trop courte devient inefficace ; une exposition excessive peut devenir nocive.
Les experts soulignent que, du fait des propriétés viscoélastiques du tendon, la transmission du stress mécanique dépend du temps d’exposition à la charge.
Ainsi, les contractions lentes et prolongées favorisent davantage l’adaptation que les mouvements rapides ou explosifs.
Malgré cela, l’étude rappelle qu’il n’existe pas encore de preuve solide quant au volume optimal d’entraînement (en séries, répétitions ou secondes).
Ces paramètres doivent donc être individualisés.
🔁 Type de contraction
Le type de contraction a atteint un consensus d’influence majeure uniquement pour la tendinopathie midportion.
Les experts s’accordent sur un point : aucun type de contraction (isométrique, concentrique ou excentrique) n’est supérieur à un autre.
Chacun peut être utile selon la phase de rééducation.
L’accent est mis sur la spécificité fonctionnelle : intégrer progressivement des exercices pliométriques en fin de rééducation,
afin de restaurer la fonction complète du complexe muscle–tendon et préparer le retour à l’effort dynamique.
🦶 Amplitude de dorsiflexion
L’amplitude de flexion dorsale de la cheville est apparue comme le paramètre le plus influent pour la tendinopathie insertionnelle.
En début de rééducation, une dorsiflexion excessive augmente la compression sur les fibres profondes du tendon d’Achille contre le calcanéum.
Les experts recommandent donc de limiter ou éviter cette amplitude dans les premières phases.
Les exercices à amplitude réduite montrent de meilleurs résultats cliniques.
L’amplitude complète doit être progressivement restaurée en fin de rééducation, lorsque la tolérance mécanique s’améliore.
🔴 Douleur : un guide, pas un objectif
La douleur reste un repère essentiel en pratique clinique,
mais elle n’a pas atteint le consensus d’influence majeure dans l’étude.
Les experts rappellent qu’elle sert surtout à réguler la charge, le volume et l’intensité,
plutôt qu’à influencer directement la biologie du tendon.
La surveillance doit être temporelle : pendant, après, et le lendemain de la séance.
Une douleur modérée et tolérable est considérée comme sûre et bénéfique.
À l’inverse, une douleur trop intense réduit la confiance du patient et compromet l’adhésion au programme.
🧠 En résumé
Les paramètres validés par consensus dans l’étude Demangeot et al., BJSM 2025 sont :
Intensité,
Temps sous tension,
Séries / répétitions,
Type de contraction,
Amplitude de dorsiflexion.
🔹 Midportion → l’intensité est le paramètre le plus influent.
🔹 Insertionnelle → l’amplitude de dorsiflexion est le plus influente.
Ces résultats offrent un cadre consensuel et non prescriptif pour guider la rééducation du tendon d’Achille.
Ils n’imposent pas un protocole unique, mais mettent en avant des principes clairs, mesurables et validés par la science.
📎 À retenir
Rééduquer un tendon d’Achille, c’est jouer sur plusieurs leviers :
la charge relative, le temps sous tension, la progression fonctionnelle et la tolérance à la douleur.
L’étude de Demangeot et al. n’apporte pas une recette,
mais une base scientifique solide pour orienter les décisions cliniques,
en respectant la physiologie, la charge mécanique… et le patient.
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