Nombre de pas par jour
Introduction : la légende des 10 000 pas
On l’a tous entendu : « Il faut marcher 10 000 pas par jour pour être en bonne santé. » Ce chiffre, devenu un repère universel, se retrouve dans les montres connectées, les applications de suivi, les recommandations d’entreprise et même dans les discours des professionnels de santé.
Mais d’où vient-il ? Pas de la science. Dans les années 1960, une entreprise japonaise commercialise un podomètre baptisé manpo-kei – littéralement « compteur à 10 000 pas ». Ce chiffre rond, facile à retenir, devient un slogan publicitaire. Le succès est tel que l’idée traverse les décennies et les continents, jusqu’à devenir une norme mondiale.
Le problème, c’est que jusqu’à récemment, aucune étude solide n’avait démontré que 10 000 pas représentaient réellement un seuil optimal. C’est tout l’intérêt de la méta-analyse parue en 2025 dans The Lancet Public Health (Ding et al., 2025) : faire le tri entre mythe et données probantes.
Pourquoi la question des pas compte tant ?
L’activité physique est l’un des piliers de la prévention. Mais si le sport intense ne concerne qu’une minorité, la marche est universelle. Elle est accessible, gratuite, intégrable dans la vie quotidienne, que l’on soit coureur, soignant ou patient sédentaire.
Pour les coureurs et entraîneurs, comprendre le rôle du nombre de pas permet de valoriser le NEAT (Non-Exercise Activity Thermogenesis), c’est-à-dire toutes les activités quotidiennes hors entraînement. Monter les escaliers, aller au travail à pied, jardiner : ces pas comptent autant dans l’équilibre énergétique et métabolique que les kilomètres d’un footing.
Pour les soignants, disposer de chiffres précis permet de mieux prescrire l’activité, fixer des objectifs réalistes et motivants, surtout pour les patients âgés ou porteurs de pathologies chroniques.
La méta-analyse de Ding et al. (Lancet Public Health, 2025)
Cette synthèse a regroupé 57 études longitudinales, soit plus de 161 000 participants suivis plusieurs années, pour analyser la relation entre nombre de pas quotidiens et principaux indicateurs de santé : mortalité toutes causes, maladies cardiovasculaires, cancer, diabète, dépression, démence et chutes.
4 000 pas par jour : déjà un vrai impact
Bonne nouvelle pour les sédentaires : il n’est pas nécessaire d’atteindre des sommets pour voir un bénéfice. Comparés à 2 000 pas/jour, ceux qui marchent 4 000 pas/j présentent déjà :
• une réduction de 36 % de la mortalité toutes causes,
• 15 % de baisse d’incidence cardiovasculaire,
• 20 % de réduction du risque de démence.
Chaque tranche de 1 000 pas en plus continue de réduire le risque. Autrement dit, passer de 2 000 à 4 000 pas n’est pas anecdotique : c’est un véritable investissement santé.
7 000 pas par jour : le seuil clé
C’est à 7 000 pas/j que les bénéfices deviennent majeurs :
• 47 % de mortalité toutes causes en moins,
• 25 % de baisse d’incidence cardiovasculaire,
• 47 % de réduction de mortalité cardiovasculaire,
• 37 % de baisse de mortalité par cancer,
• 38 % de diminution du risque de démence,
• 22 % de réduction des symptômes dépressifs,
• 14 % de baisse du diabète de type 2,
• 28 % de réduction du risque de chute chez les séniors (preuves de certitude faible).
En d’autres termes, le gros du bénéfice est acquis à 7 000 pas.
10 000 pas : un bonus, pas une obligation
Et si l’on vise 10 000 ? Les bénéfices existent, mais restent modestes : à peine 2 % de mortalité supplémentaire par rapport à 7 000.
Au-delà de 12 000 pas, le risque continue de baisser (jusqu’à 55 % de mortalité en moins), mais le gain devient marginal et les données plus rares.
Le message est clair : inutile de culpabiliser si vous n’atteignez pas 10 000 pas/jour.
Chez les plus de 65 ans : chaque pas compte
La question est cruciale pour les séniors.
• Mortalité toutes causes : la relation est linéaire, sans plateau. Chaque pas supplémentaire réduit le risque.
• Incidence cardiovasculaire : les gains sont marqués jusqu’à 5 400 pas/j, puis la progression ralentit.
• Chutes : tendance à la baisse du risque jusqu’à 6 000 pas/j, puis possible majoration au-delà de 8 000 dans certaines analyses de sensibilité (preuves très faibles).
En pratique : pour les séniors, progresser progressivement jusqu’à 5 000–7 000 pas/j est déjà protecteur. Et surtout, combiner avec des exercices d’équilibre et de renforcement musculaire, comme le recommande l’OMS (2020).
Linéaire ou non-linéaire ? Un point pour les pros
L’une des forces de cette méta-analyse est d’avoir modélisé les courbes dose–réponse.
• Relations linéaires : incidence du cancer, diabète de type 2, symptômes dépressifs. Ici, plus on marche, plus le risque baisse, sans seuil identifiable.
• Relations non linéaires : mortalité toutes causes, maladies cardiovasculaires, mortalité par cancer, démence, chutes. Ici, les bénéfices sont surtout concentrés entre 2 000 et 7 000 pas, puis la courbe tend vers un plateau.
Ces formes ne reflètent pas un “seuil biologique”, mais plutôt la réalité statistique : les premiers pas apportent le plus grand bénéfice relatif, puis l’effet devient marginal au-delà.
Mise en perspective avec les études antérieures
Cette méta-analyse confirme et consolide plusieurs travaux majeurs :
• Lee et al. (2019, JAMA Internal Medicine) : chez plus de 16 000 femmes âgées, 7 500 pas/j réduisaient déjà la mortalité, sans bénéfice supplémentaire au-delà.
• Saint-Maurice et al. (2020, JAMA) : dans la cohorte NHANES, la mortalité baissait jusqu’à environ 8 000 pas/j.
• Paluch et al. (2022, JAMA Neurology) : 9 800 pas/j étaient associés à une réduction du risque de démence, mais la baisse était déjà nette dès 6 500.
L’étude de Ding et al. (2025) apporte un message fort : les données convergent désormais vers 7 000 pas/j comme chiffre clé universel.
Applications pratiques pour les coureurs et entraîneurs
Pour un coureur, 7 000 pas peuvent sembler anecdotiques : une sortie de 10 km les couvre largement. Mais l’intérêt est ailleurs.
• Le nombre de pas reflète aussi le NEAT : marcher pour aller travailler, se déplacer à vélo, bouger au quotidien.
• En période d’arrêt ou de blessure, viser 7 000 pas/j permet de limiter la sédentarité et ses effets délétères.
• Pour les entraîneurs, encourager leurs athlètes à rester actifs hors entraînement est un moyen de maintenir la dépense énergétique, sans augmenter la charge mécanique.
Applications pratiques pour les soignants
Pour un médecin ou un kinésithérapeute, la marche devient une prescription simple et mesurable.
• Objectif réaliste : 4 000 pas/j pour débuter, puis progresser vers 7 000.
• Message motivant : même si le patient n’atteint pas 10 000, il aura déjà réduit fortement ses risques de mortalité et de maladies chroniques.
• Chez les séniors, l’accent doit être mis sur la progressivité, et l’ajout d’exercices de renforcement et d’équilibre pour prévenir les chutes.
Take Home Message
• 4 000 pas/j = déjà un vrai bénéfice.
• 7 000 pas/j = chiffre clé, bénéfices majeurs.
• 10 000 pas/j = bonus, pas une obligation.
• Plus de 65 ans = chaque pas compte, ajouter équilibre et force.
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Bibliographie
1. Ding D, et al. Daily steps and health outcomes in adults: a systematic review and dose–response meta-analysis. Lancet Public Health. 2025;10(8):e567–e580.
2. Lee IM, et al. Association of step volume and intensity with all-cause mortality in older women. JAMA Intern Med. 2019;179(8):1105–1112.
3. Saint-Maurice PF, et al. Association of daily step count and step intensity with mortality among US adults. JAMA. 2020;323(12):1151–1160.
4. Paluch AE, et al. Steps per day and incident dementia in community-dwelling adults. JAMA Neurol. 2022;79(9):905–913.
5. World Health Organization. WHO guidelines on physical activity and sedentary behaviour. Geneva: WHO; 2020.